sábado, 10 de octubre de 2015

Salut, Russie !

Saint-Pétersbourg
Ermitage
Est ce seulement mon impression, ou ils n'y vont pas un peu fort sur le photoshop lors des restaurations?
L'Autoportrait de Van Dyck

Un musée qui ressemble à un palais. On entre en montant le grand escalier, pas comme on descend dans le métro. Des enfilades de parquets de lustres et de dorures. On arpente l'interminable salle du trône comme dans Tintin. Dans la salle de bal on reconstitue les échos de conversations:

- Maréchal Kropotkine, de retour à St Petersbourg !
- Comme vous le voyez, Prince Nicolai Andreievich. Et les quolibets de la cour vous font regretter les canons turcs.







A Petersbourg un peu, à Moscou beaucoup on croise l'imaginaire guerrier: aux carrefours et dans le métro, des statues de gardes farouches et de partisans, baïonnettes au clair. Les chiens renchérissent en aboyant un nationalisme idiot, du club de tir "Patriot" aux aimants souvenirs qui brament "Krouchtchev a bradé la Crimée, Poutine l'a reprise".



On ne rit pas beaucoup. On garde l'air sérieux et digne.

Promenade en "velobike". De l'autre côté de la Neva, ce complexe est-il un monastère ou une fabrique de chocolat ? (Après vérification, c'est la sinistre prison Kresty).


Aux bains russes, "Bani".
Délaissons les cabines privées "Lux", dirigeons nous vers la "section générale des hommes" au 3e étage. Dimanche c'est jour d'affluence : 360 roubles l'entrée. Dans ma jeunesse le rouble valait quelque chose, peut être cinq ou dix francs, maintenant ce n'est plus qu'un gros centime. Je loue des tatanes et une serviette décorée de poissons tropicaux. On a chacun un petit placard et devant, une tablette où s'asseoir, l'air toujours digne et pensif. On discute entre amis ou on déambule, tout nu. Il y a une salle de repos avec des banquettes pour la sieste. La fenêtre est ouverte sur le voisinage. Poussons la porte et voici la salle des bains. A une extrémité, des douches. De l'autre côté, un cuveau d'eau (glacée) où donne une échelle métallique, et puis un seau d'eau (glacée) à mécanisme, qui se déverse quand on tire la corde. Au centre de la salle, des rangées de bassines où trempent des rameaux feuillus. Du bouleau, bien sûr, mais les connaisseurs préfèrent parfois le chêne. Une fois douché on peut pousser la porte du sauna. Là je vois que je ne suis cruellement pas équipé. Je pourrais difficilement l'être moins puisque, rappelons le, j'ai en tout sur moi une paire de tatanes en caoutchouc. Les connaisseurs ont :
- un coussin en mousse pour ne pas se brûler les fesses sur le banc,
- un bonnet de feutre gris comme en portent les lutins des contes, contre le coup de chaleur je suppose, mais peut-être seulement pour la prestance,
- des gants, en feutre aussi, pour supporter la chaleur des bouquets de feuilles. Quand ils ont bien trempé, en effet, on s'en flagelle vigoureusement tout le corps. L'air sent bon la forêt d'automne, ou l'eucalyptus si votre voisin hédoniste à choisi cette essence.
Quand on ne tient plus, on sort se tremper dans le cuveau d'eau glacée, ou l'on prend un thé. Et l'on recommence, jusqu'à se sentir complètement rajeuni.

Train de nuit (thé, rôti de porc et kacha de sarrasin, thé) pour Moscou gare Leningradskaia.

Hôtel Izmailovo, bloc parmi les blocs de l'interminable Moscou. A côté on a construit un château fortifié en carton pâte, doublé d'un marché aux puces. Et aussi une cathédrale en bois, un village russe, un bateau pirate et d'autres merveilles en ciment décrépit. Au fond, des ouvriers arrangent ce qui s'écroule. Je suis à la trace le flot des touristes chinois jusqu'au creux de leur repaire: leur cantine!, où les groupes affluent chacun à leur tour, au 3e étage d'une sorte de manoir en rondins.


Moscou terreur des piétons. Des files de limousines et un passage pour traverser tous les kilomètres.




A retenir : surtout, garder l'air sérieux.

jueves, 29 de enero de 2015

sábado, 24 de enero de 2015

Inde

Inde !


Il faut bien te chanter et pour cela seul convient
Un long poème épique qui fasse justice à ton abondance
De mille vers ou dix mille et qui se recourbe
Pour revenir encore sur tes richesses et tes mystères
On ne le scandera pas sous la voûte infinie d'un ciel de désert
Ni au pied du grand arbre sacré
Mais ici et aujourd'hui
Dans l'informe Delhi un jour de janvier
Dans l'air piquant pollué sous un petit soleil blanc
Ou ce soir au bord de l'avenue
A l'âcre chaleur d'un maigre feu de plastique
Ou demain à l'aube quand on se réveillera d'un mauvais sommeil sur le trottoir
Pour travailler porter vendre pousser pédaler et manger
Porter un jour de plus son espoir

Inde pays de l'étrange
Delhi capitale du chaos
Publicités surplombantes
(Qui achètera vos sous-marins et vos résidences de luxe ?)
Entre les façades des casernes et des consistoires déserts
Avenues inutiles qu'il faut bien occuper par de petits campements
Des cantines des étals
Un univers de bordures de trottoir vertes et orange
Qu'aujourd'hui on repeint comme hier
Que demain la poussière aura avalées
Interrupteurs poignées de portes et robinets
Comment attrapent-ils autant de crasse incrustée

Au restaurant c'est promis on vous traitera comme un prince
Le portier a le turban fier la moustache moulurée
On vous lave les mains à l'aiguière
Et l'on garnit votre plat en fer-blanc
De tous les délices que vous pourrez contenir
Les étoffes flottantes brillent au bazar
Mais rapportées au pays
Ces soieries ces moirures garderaient-elles leur éclat
Ou se faneraient-elles en chemin
En un point impossible à savoir
Au dessus du Kutch ou du Karakorum
Au dessus d'un désert de crêtes ocres amoncelées
Nappées de crème blanche

Jantar Mantar monuments astronomiques
Blancs comme la pierre rouges comme la terre
Tremplins rotondes hémisphères engrenés
Échappés d'un rêve de Magritte ou de Chirico
Espoirs géométriques minutieusement préservés

Des palmiers du jardin deux perroquets criards et une volée de pigeons s'affolent :
Le milan est en approche
Un autre milan en prend ombrage
Les deux tournoient en piqué
Devant le portail d'entrée le petit guichet
Où l'on attend pour retirer ses tickets
Pour l'autre jour voir le défilé
Déjà les soldats s'entraînent
Ils ont aux casques des petites guirlandes camouflées

La première bureaucratie du monde
Au ministère vous vous croyez dans une pension de famille
On entre on sort des portes alignées
On attend on arpente on se perd
Sur le palier trois dames en sari assises à une table
Celle au sari lavande mange son repas
Dans un plateau en métal à alvéoles
Pendant que deux hommes réfléchissent à comment bouger un sofa défraîchi
L'ascenseur décide seul à quels étages il stoppe
Son servant fait une petite moue désolée
Côté électrique, ça pendouille
Dans le bureau on nous fait attendre
Les dossiers moutonnent en piles instables
C'est un directeur il a une photocopieuse
L'homme à tout faire entre et sort sans cesse
Son chef est chez le Grand Secrétaire
Lui aussi a une photocopieuse des dossiers à foison
Un vieux code de la route
Une visite de ministre a préparer
Très peu de temps
Très peu de temps ?

Rendez votre papier tamponné
Le papier contre le chaos
pour entrer dans l'aéroport, pour pouvoir faire la queue
Si votre bagage porte une étiquette celle ci sera tamponnée s'il n'en porte pas ce n'est pas grave
A l'entrée du restaurant on vous fait au front un point à l'ocre
Que ce symbole t'honore et te protège
Le signe contre le chaos
Pour résister à l'usure
A l'humidité qui moisit
A la poussière qui fripe
Classer pour maîtriser
Mettre en listes en castes en rubriques
Et détailler encore pour pouvoir tamponner recompter s'assurer

Derrière l'institut Cervantes une ruelle
Conduit au carré des marchands de rubans et ensuite au temple
Colliers d'œillets livrets pieux tatoueuses de henné
Devin liseur de front
Marchands de patates sous la cendre toutes noires
Mais le plateau est décoré de caramboles de piments verts
Et la foule mange dort attend
Les mendiants ont des moignons
Mais comment se font ils ces plaies suintantes roses et luisantes

Inde il faut en toi chanter
L'innommable l'abondance la profusion
Générosité de la nature du riz du blé des légumes des épices des goyaves des papayes ventrues
La foule les êtres les chiens les vaches
Les chariots à deux roues à trois à six, fardeaux sans limite
Sur les affiches le premier ministre partout
On a truqué une même photo pour que sa chemise soit rose bleue ou blanche
Ce qu'il dit je ne sais
L'écriture hindie rend tout exubérant et énigmatique

Votre chauffeur sera-t-il un sikh impénétrable
Ou ses cheveux seront-ils orange de henné pour le festival
Ou s'est-il rasé sauf une mèche significative?
Même l'uniforme n'est pas obstacle à la diversité
Comparez bien ces écoliers leurs tenues toutes semblables toutes différentes
A la frontière ces policiers en chemise bleue bleue ou bleue

Inde il faut chanter en toi l'incompréhensible

Pourquoi cette branche de cet arbre de l'avenue
A-t-elle reçu une couronne d'œillets orange ?
Au musée de l'artisanat le temps s'est arrêté
On voit le tissu du Cachemire aux broderies fractales
Brodées et brodées à nouveau
Et chaque détail plus petit que le précédent
Et brodé d'une couleur qui surprend
Et de loin l'on voit bien
Que cela a pris un temps infini
Un temps infini ?