jueves, 29 de enero de 2015

sábado, 24 de enero de 2015

Inde

Inde !


Il faut bien te chanter et pour cela seul convient
Un long poème épique qui fasse justice à ton abondance
De mille vers ou dix mille et qui se recourbe
Pour revenir encore sur tes richesses et tes mystères
On ne le scandera pas sous la voûte infinie d'un ciel de désert
Ni au pied du grand arbre sacré
Mais ici et aujourd'hui
Dans l'informe Delhi un jour de janvier
Dans l'air piquant pollué sous un petit soleil blanc
Ou ce soir au bord de l'avenue
A l'âcre chaleur d'un maigre feu de plastique
Ou demain à l'aube quand on se réveillera d'un mauvais sommeil sur le trottoir
Pour travailler porter vendre pousser pédaler et manger
Porter un jour de plus son espoir

Inde pays de l'étrange
Delhi capitale du chaos
Publicités surplombantes
(Qui achètera vos sous-marins et vos résidences de luxe ?)
Entre les façades des casernes et des consistoires déserts
Avenues inutiles qu'il faut bien occuper par de petits campements
Des cantines des étals
Un univers de bordures de trottoir vertes et orange
Qu'aujourd'hui on repeint comme hier
Que demain la poussière aura avalées
Interrupteurs poignées de portes et robinets
Comment attrapent-ils autant de crasse incrustée

Au restaurant c'est promis on vous traitera comme un prince
Le portier a le turban fier la moustache moulurée
On vous lave les mains à l'aiguière
Et l'on garnit votre plat en fer-blanc
De tous les délices que vous pourrez contenir
Les étoffes flottantes brillent au bazar
Mais rapportées au pays
Ces soieries ces moirures garderaient-elles leur éclat
Ou se faneraient-elles en chemin
En un point impossible à savoir
Au dessus du Kutch ou du Karakorum
Au dessus d'un désert de crêtes ocres amoncelées
Nappées de crème blanche

Jantar Mantar monuments astronomiques
Blancs comme la pierre rouges comme la terre
Tremplins rotondes hémisphères engrenés
Échappés d'un rêve de Magritte ou de Chirico
Espoirs géométriques minutieusement préservés

Des palmiers du jardin deux perroquets criards et une volée de pigeons s'affolent :
Le milan est en approche
Un autre milan en prend ombrage
Les deux tournoient en piqué
Devant le portail d'entrée le petit guichet
Où l'on attend pour retirer ses tickets
Pour l'autre jour voir le défilé
Déjà les soldats s'entraînent
Ils ont aux casques des petites guirlandes camouflées

La première bureaucratie du monde
Au ministère vous vous croyez dans une pension de famille
On entre on sort des portes alignées
On attend on arpente on se perd
Sur le palier trois dames en sari assises à une table
Celle au sari lavande mange son repas
Dans un plateau en métal à alvéoles
Pendant que deux hommes réfléchissent à comment bouger un sofa défraîchi
L'ascenseur décide seul à quels étages il stoppe
Son servant fait une petite moue désolée
Côté électrique, ça pendouille
Dans le bureau on nous fait attendre
Les dossiers moutonnent en piles instables
C'est un directeur il a une photocopieuse
L'homme à tout faire entre et sort sans cesse
Son chef est chez le Grand Secrétaire
Lui aussi a une photocopieuse des dossiers à foison
Un vieux code de la route
Une visite de ministre a préparer
Très peu de temps
Très peu de temps ?

Rendez votre papier tamponné
Le papier contre le chaos
pour entrer dans l'aéroport, pour pouvoir faire la queue
Si votre bagage porte une étiquette celle ci sera tamponnée s'il n'en porte pas ce n'est pas grave
A l'entrée du restaurant on vous fait au front un point à l'ocre
Que ce symbole t'honore et te protège
Le signe contre le chaos
Pour résister à l'usure
A l'humidité qui moisit
A la poussière qui fripe
Classer pour maîtriser
Mettre en listes en castes en rubriques
Et détailler encore pour pouvoir tamponner recompter s'assurer

Derrière l'institut Cervantes une ruelle
Conduit au carré des marchands de rubans et ensuite au temple
Colliers d'œillets livrets pieux tatoueuses de henné
Devin liseur de front
Marchands de patates sous la cendre toutes noires
Mais le plateau est décoré de caramboles de piments verts
Et la foule mange dort attend
Les mendiants ont des moignons
Mais comment se font ils ces plaies suintantes roses et luisantes

Inde il faut en toi chanter
L'innommable l'abondance la profusion
Générosité de la nature du riz du blé des légumes des épices des goyaves des papayes ventrues
La foule les êtres les chiens les vaches
Les chariots à deux roues à trois à six, fardeaux sans limite
Sur les affiches le premier ministre partout
On a truqué une même photo pour que sa chemise soit rose bleue ou blanche
Ce qu'il dit je ne sais
L'écriture hindie rend tout exubérant et énigmatique

Votre chauffeur sera-t-il un sikh impénétrable
Ou ses cheveux seront-ils orange de henné pour le festival
Ou s'est-il rasé sauf une mèche significative?
Même l'uniforme n'est pas obstacle à la diversité
Comparez bien ces écoliers leurs tenues toutes semblables toutes différentes
A la frontière ces policiers en chemise bleue bleue ou bleue

Inde il faut chanter en toi l'incompréhensible

Pourquoi cette branche de cet arbre de l'avenue
A-t-elle reçu une couronne d'œillets orange ?
Au musée de l'artisanat le temps s'est arrêté
On voit le tissu du Cachemire aux broderies fractales
Brodées et brodées à nouveau
Et chaque détail plus petit que le précédent
Et brodé d'une couleur qui surprend
Et de loin l'on voit bien
Que cela a pris un temps infini
Un temps infini ?


sábado, 17 de agosto de 2013

Grumeaux


https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjiSAVOTDOijjZU3bY0VXADiABVIDdxyUnyqbQwMLyX7bRCfdXAMMlau86VTgHQpWh_gTGVa8pF55JxJFVJRBULQUXO7qSrSOSHWsO0XSqd6-4vowAOeUf0JKI7G3pxyXOOZNCDGg8VG5g/s400/spring3.jpg Le grumeau c'est l'étranger. Dans la ville chinoise, qui est toute flux, le grumeau obstrue le trottoir, retarde la file. Il demande des explications, fait répéter, perd même de précieuses secondes à saluer le chauffeur de taxi au lieu d'ordonner sa destination. Il traîne à table au lieu de laisser la place, renverse les sauces. Il ignore les tarifs, égare son ticket dans une des poches dont son vêtement et son bagage encombrant sont garnis; quand il l'a retrouvé il ne sait dans quelle fente de la machine l'introduire, le préposé résigné lui ouvre le tourniquet sans demander d'explication. 
Comme le grumeau est étranger, il ne parle probablement pas chinois. Il souffre donc de la présomption d'imbécillité et on le voit arriver avec une appréhension méprisante. L'habitué réagit en l'ignorant encore plus fortement qu'on ignore son prochain en Chine. On double le grumeau, on le contourne. Au guichet on coupe dans la file et on tend son billet au préposé en travers du visage du grumeau, il pourrait le manger au passage s'il osait.
Ne croyez pas que cela n'arrive qu'à Shanghai ou dans les métropoles. Dès qu'il y a agglomération en Chine il y a des foules affairées qui visiblement souhaiteraient ajouter une 25eme heure à la journée ou un 8eme jour à la semaine pour accroître un peu leur business. (Le seul loisir qu'on s'offre semble être les jeux d'argent : cartes, majong ou loteries). Le grumeau méconnaît ce besoin du petit gain. Cette curieuse espèce ne survit probablement que dans l'abondance.

domingo, 10 de marzo de 2013

21世纪的成语 - 撒尿满海 - Proverbe chinois pour le 21e siècle : "Pisser à en faire déborder la mer"


很久很久以前,动物们都平安地住在动物的王国。只有大黑熊喜欢增添麻烦给别的动物,不是他调皮,只不过是他的智慧没有他能力的大,特别是他很不会体贴相处。比如,动物们一起吃饭的时候,大黑熊通常把其他动物的食物独吞,有时候他还吞噬小的动物。所以,大众开始怕他,他也开始觉得自己比别的动物有优势。

有一次,小白女猴决定给他一个教训,她开始对大黑熊赞美得很多,然后说他一定会当动物的帝王。大黑熊高兴极了,也主动问小白女猴做他的老师,请教她作为一个帝王首先应该知道什么。小白女猴回答他说可以马上上课,就是首先要学会礼貌。所以,帝王的第一个任物就是要向大众敬礼,大熊原本觉得这很好玩,可是,小白女猴却让他把动物的名字一个一个地记住。她说:“你这么聪明,应该把每个动物的名字都叫出来”。大熊不敢抗议,但是他觉得很难,也很无聊。


然后小猴教他沿着沙滩慢慢地走仿佛他阅兵。无论他多慢走,小猴让他更慢走。“你这么强壮,应该小心小心不踏别人的脚”! 终于很晚了,大熊又累又得小便,就接近海岸。小猴叫惊恐的声音说:“不要,不要!你这么强大,在这里撒尿,一定会填满大海了”!大熊把这个忍不住了,他跑步回森林的另一端去了。一点也不想当帝王,只想要自由生活。动物们一次再也没看见他。


今日中国人常常用这个成语:“撒尿满海“。意思是一个人认为自己特别优越,但是到底很天真。

domingo, 3 de junio de 2012

春天 - Printemps (poème chinois pour le 21e siècle)

晨光北雾穿,
冻土脚下碎。
这柳薄指上,
看来青色诺。
但昵岸太远,
爱人读古诗。

Le soleil pointe en transparence sous la brume du nord
et la terre encore gelée craque sous mes bottes.
Ici les tendres doigts des saules se poudrent d'une verte promesse.
Mais qu'il est loin le rivage familier
Où une personne aimée relit un ancien poème.

sábado, 21 de abril de 2012

21世纪的成语 - 裂开鸵蛋 - Proverbe chinois pour le 21e siècle : "Casser l'oeuf d'autruche"


很久很久以前,皇帝对科学特别感兴趣。每年召见天文学家和物理学家来宫殿。还有二十二位数学家和三十三位生物学家永久地住在宫殿里。皇帝常常让学家给他读书或者讲演。当大官们来听候皇帝命令的时候,天子常提问他们一些科学的问题。因此个首都的官员都只好学习。连高级军官都开始念书。京都富人和外国国王给皇帝寄奇怪的礼物,像宝贵经书,金银的望远镜,热带区域的动物什么的。那年,南军将官给皇帝送春节礼物。从帝国南部的森林来一个巨大的鸵蛋。有人说产这么大卵的鸟一定和一大象一样大。一些羡慕的官员开始说南的礼物是假的。西官又讲,其实是石头的。东想是石膏的。天子却特别喜欢他的大蛋。教人把它放在青浪殿展览。但是热议越来越厉害。军官讲大蛋是假的。是大多学家觉得是真的。人们争论得这么凶暴,快要成为一内战最后皇帝只好裂开鸵蛋要看边有什么。

今日中国人常常用这个成语裂开鸵蛋。意思是:别人强迫你做什么,你自己不愿意做。

jueves, 19 de abril de 2012

Pays complets, pays en construction


Nos vieux pays, parce qu’ils semblent si « complets », ne nous font-ils pas perdre de vue que le développement et le progrès ont un sens concret ?


J’ai voyagé il y a quelques années en Inde et pris le train ordinaire, le « sleeper », entre Delhi et Agra. Peu après, de passage à Paris, je remarquais les vitres de trains griffées par des tagueurs. Je suppose que grâce aux progrès des peintures et des techniques de nettoyage, on parvient à effacer les graffiti faits à la peinture et que la rayure des vitres est le nouveau moyen de laisser sa marque. Par contraste, les trains indiens sont vieux, déglingués, usés, mais je ne me rappelle pas y avoir vu de graffiti.

Mon propos n’est pas de dénoncer le laxisme de notre société, qui serait le fruit de notre satiété. Risquons une autre réflexion. En voyant les zébrures sur les carreaux des trains parisiens, j’ai l’intuition que leur auteur prend le train pour un objet qui va de soi. C’est-à-dire un objet extérieur à lui et comme éternel, et qui donc supportera bien un coup de clé (ou de silex, ou de l’objet de gravure en question). Le train, en d’autres termes, serait banalisé au point de ne plus mériter le respect (je laisse de côté la question de l’agressivité qui est probablement un autre composant nécessaire).

Ce manque de respect pour les objets qui vont de soi peut concerner tout équipement public, et peut même s’appliquer à des services, comme la Santé ou la protection des personnes et des biens. Je fais l’hypothèse qu’il en va tout autrement en Inde et que, par exemple, l’idée de s’attaquer à des pompiers, comme il arrive parfois en France dans certaines banlieues, y serait inconcevable.

Que l’on me comprenne, je ne fais pas le procès de la société d’assistance contre la société de responsabilité personnelle (ou la société d’assistance étatique contre l’assistance interpersonnelle). Remarquons seulement que nous tendons à nous comporter comme si ces équipements et services publics (le train, le banc, la sécurité sociale, le ramassage des déchets, etc.) allaient de soi et d’une certaine façon nous préexistaient.

L’Inde, dans son chaos, nous rappelle que rien ne préexiste. La route a été asphaltée, du verbe asphalter, c’est-à-dire qu’un ensemble de personnes l’ont voulue et y ont travaillé. Chaque rail du train a été posé, là où auparavant il n’y avait rien, et où, sans entretien, il n’y aura bientôt plus rien non plus.

On l’oublie dans un pays comme la France, qui semble si bien fini, où tout l’espace a depuis longtemps été domestiqué et transformé par l’homme. Cette impression de « pays complet », on l’a en Allemagne et dans d’autres pays d’Europe (en Espagne, où je vis, pas partout, surtout quand on s’écarte des villes). Au Japon, c’est poussé à l’extrême : on sent que tout a été soigneusement poli et façonné, en suivant comme un ordre nécessaire.

Mais on n’a pas cette impression aux Etats-Unis. Sorti des quartiers d’affaire ou résidentiels huppés, la sensation qui prévaut est bien celle d’un territoire en construction. Je me souviens de Pierre, pourtant capitale de son Etat (le Dakota du sud). On voit nettement le point où la rue cesse d’être rue pour devenir chemin creux parce que jusqu’alors il n’y a pas eu le besoin de transformer l’espace plus avant. L’architecture évidemment joue un rôle. Dans un village américain, les maisons et les boutiques sont construites en bois. Elles vieillissent vite et les constructions abandonnées marquent de façon palpable la lutte de l’homme contre la nature et le temps.

Cette sensation de territoire en construction, et même en conquête, conditionne sans doute bien des choses. D’abord un sens de la responsabilité : les biens publics dont on dispose dépendent de notre effort (et de notre argent, ce qui explique que l’on soit plus exigeant envers la dépense publique). Peut-être aussi un sens de la solidarité plus concret qu’en Europe, parce que l’entraide doit d’abord être locale. Sans doute aussi une attitude plus ouverte envers l’immigrant, car celui qui vient s’installer, qui vient défricher, ne vient pas concurrencer les anciens habitants, mais au contraire, par son travail, contribue à la richesse collective. (Relatant, au début de ses Mémoires, ses souvenirs de voyage dans l’ouest canadien, Jean Monnet développe cette idée). Peut-être enfin une certaine modestie devant les éléments et, pourquoi pas ? devant Dieu.

Quel message en tirer ? Prêcher la réduction du rôle de l’Etat n’est pas de saison. Prendre conscience de la fragilité de nos modes de vie si élaborés et s’en effrayer n’apporte rien. Au contraire, pouvons-nous retenir le message optimiste des pionniers ? Même quand l’espace est rempli (ce qui en France est d’ailleurs loin d’être le cas), les possibilités sont infinies. Une bouche supplémentaire, c’est aussi un cerveau qui va prendre des initiatives et contribuer à ce que tous vivent mieux. Indépendamment de la crise macroscopique, nous pouvons à long terme avoir confiance dans les initiatives microscopiques du monde réel.